Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

A CHAUD!

3 novembre 2008

Le mauvais goût d'Hortefeux et au-delà

Sommet européen de l'immigration à Vichy

                                                                                                                      4792531

(caricature Les Echos)

Entre « bonnes pratiques », censées être promues à Vichy, et (très) mauvaises manières, il n’y a qu’un pas, nous démontre le sinistre ministre Brice Hortefeux qui « en a ras-le-bol du passé ». Celui-ci n’a de cesse, dans cette polémique qu’il tourne à son avantage (faisant passer ses détracteurs pour des andouilles ne sachant pas distinguer un Vichyssois d’un Vichyste), de franchir le cap du symbole de Vichy pour s’affranchir d’une mémoire nationale salvatrice (celle des pratiques discriminatoires honteuses du régime de Vichy et non des divers comportements vichyssois pendant la guerre) qui ne rappelle que trop les ambiguïtés du son ministère. Bien au-delà de la faute goût, il s’agit de faire tomber les derniers remparts de résistance (déjà bien entamés par l’apathie politique) en achevant de banaliser ce qui devait rester un symbole de la lutte antiraciste.

Brice Hortefeux détourne l’attention et joue les pourfendeurs de l’ostracisme, qui condamne bien malheureusement Vichy depuis que des fonctionnaires pétainistes y aient laissé leurs empreintes, plutôt que de laisser émerger dans le débat la comparaison embarrassante entre le Pacte européen sur l’immigration et l’asile (comportant la fameuse directive de la honte) et les lois de 40 sur le statut des Juifs en France. Or regretter que les personnes politiques, et non la société civile, évitent leurs apparitions publiques à Vichy par peur des tabous ne justifie pas pour autant de se censurer de la comparaison flagrante entre politiques intrinsèquement discriminatoires de deux époques et qui se retrouvent symbolisées dans un même lieu. La faute de goût, ou la provocation maligne, en revient à l’initiateur de la conférence ministérielle et à ce qu‘il entend y promouvoir sur le fond.

Les « bonnes pratiques » débattues à Vichy s’attachent cette fois à déterminer une boite d’outils commune pour l’intégration des immigrés en Europe, qui se révèle être davantage le soutien supplétif aux politiques restrictives de l’immigration, en conditionnant les admissions sur le territoire, que des mesures concrètes visant à organiser dans de bonnes conditions la vie dans le pays d’accueil par des politiques sociales. Immigration et intégration sont les deux pendants de la « politique équilibrée » selon Hortefeux. En effet, en corolaire des dispositifs de décentralisation de contrôle des flux migratoires et des accords de réadmission vers les pays de transit et d’origine du Sud, souvent détaxés des pratiques des droits de l’homme, l’intégration, conditionnée par la connaissance de la langue et la formation professionnelle entre autres devient le prétexte utile, idéologisé et faussé de l’ « immigration choisie »… au détriment du droit au regroupement familial. Un double-bénéfice, note à ce titre Les Echos, pour qui ces dispositifs ne servent qu’à « disposer d’immigrés mieux intégrés culturellement et économiquement, tout en limitant leur accès au territoire français ». Le contrat d’accueil et d’intégration que signe tout immigré après avoir suivi une formation linguistique et civique ne fait que concrétiser ce qu’annonçait déjà la triple nomination du ministère des 3I de Brice Hortefeux (Immigration, Intégration et Identité nationale): une lecture politique liberticide des flux de personnes.

Mauvais coup pour l’intégration réelle, non-hortefienne, qui subit l'idéologie de la méfiance migratoire, sinon de l'opinion publique pour l'instant, au moins des politiques publiques (accès aux soins, droit à l'éducation). Dans Rue 89 du 1/11/08: «

L’Europe forteresse est aussi dangereuse pour l’intégration. L’immigration réelle est stigmatisée comme immigration "subie", au nom d’une hypothétique immigration "choisie", largement irréaliste. Cette immigration stigmatisée est déjà implantée, souvent française: comment intégrer ces populations à qui l’ont dit qu’elles sont des Français "subis"? »

Cette faute de langage « choisie » qu’est la définition de l’intégration par Brice Hortefeux peut-elle espérer faire polémique? L’intégration doit-elle rester ce terme-prétexte inventé par une certaine idéologie conservatrice, qui brandit République, laïcité et langue française, pour parer aux envahisseurs d’une culture française figée dans le temps? Bien trop souvent l’intégration à la française se voudrait de l’assimilation pure et simple, dans un réflexe quasi aryen, en ventant l'aboutissement du "processus d'intégration" par lequel l’immigré n’offre plus de caractéristiques culturelles distinctes de celles censées être communes aux membres de la société d’accueil. A titre d'exemple, le droit à la nationalité des enfants d’immigrés nés en France était automatique jusqu’à la loi du 26 novembre 2003: depuis les demandeurs doivent passer des entretiens individuels afin de justifier de leur connaissance de la langue et de leur « assimilation à la communauté française ».

Par ses politiques d'intégration, ses lois migratoires et la mise à mort des symboles tels que Vichy, Brice Hortefeux a réussi une chose: répudier les tabous qui consistaient à faire croire que le contrôle migratoire n'était qu'une contrainte économique. Au final de sa logique linguistique, c’est bien une question culturelle, et non économique, qui se pose à travers l'intégration: celle de l’identité nationale, 3ème pilier du trio ministériel. Pour les ténors perchés au pouvoir, adeptes du métissage choisi, la culture française ne saurait être bradée aux envahisseurs du Sud, et leur seule intelligence est d'avoir détourné et gravé 3I sur une institution publique, socialisant les Français à leur logique, 3I qui auraient dû rester de l’ordre du débat sur la dynamique des cultures et des sociétés. Et certainement pas devenir les planches d'une caisse à outil dont on entend désormais faire bénéficier ses partenaires européens.

Publicité
Publicité
Publicité